Dans un climat de tension au sein de l’entreprise , Simon Paley a été démis de ses fonctions de directeur général, le 10 octobre 2024 au cours d’un conseil d’administration extraordinaire , en raison d’une « perte de confiance ». La révocation a soulevé une vive opposition des actionnaires français, qui détiennent 34 % des parts, refusant de signer la résolution de son départ.
La direction de Tradex a donc été temporairement confiée à Patrick Mvondo, désormais directeur général par intérim.Une décision qui s’inscrit dans un contexte tendu marqué par des accusations de corruption qui secouent les piliers de l’industrie pétrolière camerounaise. En effet l’affaire Glencore-SNH/SONARA secoue le Cameroun. Elle a révélé des pratiques de corruption qui ont entaché le secteur pétrolier du pays. En 2021, au détour de procédures judiciaires internationales, le scandale a éclaté au grand jour. Le géant minier et pétrolier anglo-suisse Glencore, accusé de corruption active à l’échelle mondiale, a admis avoir versé des pots-de-vin pour obtenir des contrats et des conditions préférentielles dans plusieurs pays, dont le Cameroun.Les révélations ont été rendues publiques à l’occasion de procès menés aux États-Unis et au Royaume-Uni, où Glencore a plaidé coupable pour des pratiques de corruption impliquant des responsables de haut niveau dans diverses nations. Dans son plaidoyer, la société a confirmé avoir versé plusieurs millions de dollars de pots-de-vin à des dirigeants camerounais, en particulier des responsables de la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) et de la Société Nationale de Raffinage (SONARA), entre 2011 et 2016. Le nom de Simon Paley est depuis la semaine dernière régulièrement cité dans le cadre d’un procès ouvert aux Royaumes Unis. Ces versements avaient pour but d’obtenir des facilités et des faveurs dans le marché pétrolier du Cameroun.
Des acteurs influents impliqués
Les aveux de Glencore ont permis d’estimer que plusieurs millions de dollars avaient été alloués pour corrompre certains dirigeants clés du secteur pétrolier camerounais. Ces fonds, distribués via des intermédiaires, avaient pour objectif d’influencer les responsables de la SNH et de la Sonara, les deux piliers de la gestion des ressources pétrolières du Cameroun. Ces pots-de-vin auraient permis à Glencore d’obtenir un accès facilité aux produits pétroliers raffinés et aux contrats d’exportation à des conditions très avantageuses.
Bataille pour la transparence
Akere Muna, avocat camerounais et figure emblématique de la lutte contre la corruption en Afrique, s’est rapidement saisi de l’affaire en exigeant des clarifications de la part des autorités camerounaises. Dès les premières révélations, il a multiplié les interventions pour pousser le gouvernement et les instances concernées à ouvrir des enquêtes sur ces accusations et à identifier les responsables impliqués au Cameroun. Akere Muna milite également pour que le Cameroun prenne des mesures afin de protéger ses ressources et rétablir la confiance du public.Dans un climat de pression internationale et face aux appels de Muna et d’autres acteurs de la société civile, le gouvernement camerounais a affirmé avoir ouvert des investigations pour déterminer la véracité des allégations et pour évaluer l’ampleur du préjudice subi par l’État. Toutefois, malgré ces promesses, l’avancée des enquêtes nationales reste lente, et peu d’informations officielles ont filtré quant aux conclusions des investigations, alimentant le scepticisme. Un scandale qui a montré les défis auxquels le Cameroun est confronté pour assainir son secteur pétrolier et attirer des investisseurs de manière éthique.Face aux ramifications de cette affaire qui sont larges, les actionnaires de Tradex, redoutent une perte de crédibilité de l’entreprise dans le secteur. En outre, la destitution soudaine de Simon Paley pourrait signaler des divergences de vue quant à la gestion de ces allégations de corruption, accentuant davantage les tensions au sein de l’entreprise.
La nomination de Patrick Mvondo en tant que directeur général par intérim marque une nouvelle étape pour Tradex, qui doit désormais trouver un équilibre entre la transparence exigée par les autorités judiciaires internationales et les réalités internes du secteur au Cameroun.
Léon MGBA